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19 Juillet 2007 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #voyage - voyage...
(…) « Quelques nuits et jours plus tard je fais mon sac pour redescendre vers l’océan.
Amélie, tu fus une messagère, un guide que je reconnus sans conscience. Tu m’as ouvert la porte et je suis resté sur le seuil longtemps. Je t’avais créé avec les yeux de l’enfance, les premiers désirs, la part animale. Jo disait qu’il faut apprendre à prononcer les mots que le cœur livre et que les lèvres retiennent. Ce n’est pas toi que je quitte, Amélie, c’est mon enfance, ma naïveté et ce long silence depuis que tu n’es plus. Ce n’est pas une rupture, on ne rompt pas ce qui a été aimé, je m’éloigne, puisque depuis longtemps nous nous sommes lâché la main. Je ne fais que me retourner dans notre sommeil sans le savoir pour revenir un peu chez moi, sans toi. Tu as été cet amour qui brise avec douceur les miroirs, qui dévêt d’une caresse invisible le cœur en armure, et qui me donne cette légèreté, comme une ancre hors le fond qui se dénude d’une enveloppe de silice. Je t’ai laissé dérivé mais je sais maintenant qu’il n’y a que moi pour rassembler tant d’amour.
Attraper le bonheur, c’est vouloir retenir un papillon dans sa main ou le prendre avec un filer, disait la vieille Hélène du marais qui glissait sur les eaux noires avec le temps. Tu précipites ton filet sur lui et il s’abîme, c’est une bonheur gâché. Si c’est un bonheur agile, on ne peut le faire prisonnier et l’on court sans fin, c’est une agitation inutile, le bonheur est parti. Parfois, il se laisse prendre sans dommage, il ne s’est pas débattu et il reste bien sage, un peu frileux sous le filet. C’est un bonheur fragile, fatigué, malade peut-être. Si tu attrapes un beau bonheur, un papillon rare, sans l’abîmer, si tu le prends dans ta paume et que tu la fermes pour l’emprisonner, il ne reste que la poussière de bonheur sur tes doigts, si tu le piques sur un bois il meurt. Il faut être comme l’arbre à papillons, prêt à accueillir le bonheur, et tu verras, il viendra sur ton épaule. C’est un jour de grande fatigue, en fermant les yeux, que je l’ai vu.
Je vais pouvoir achever l’unique vrai film de ma vie avec les images que je n’ai jamais tournées.
Maintenant je suis prêt, je peux écrire au monde et je sais quoi lui dire ».
Bernard Giraudeau, Les dames de nage.
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