"en allant à l'école, nous avons rencontré..."
4 Avril 2007 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #étonnement
Un héros en pull-over
« En avril, ne te découvre pas d’un fil », qui n’a pas déjà reçu ce conseil avisé de nos grand-mères ? Les petits matins d’avril à Rouen sont très bleus et inondés de soleil, mais aussi très frais : le vent du nord fait de la résistance. Le petit garçon qui attendait que sa maman ouvre la porte de la « Twingo » portait un sac d’école sur le dos. Il devait avoir neuf ans, pas plus. Il était dehors, peu avant huit heures, vêtu d’un simple pull-over rouge à grosses côtes. Sa mère, quadragénaire pressée et préoccupée, lui dit en constatant qu’il n’avait rien d’autre sur lui : « tu ne mets pas de manteau ? Il fait frais pourtant, chéri ». Le gamin répond, moitié assuré, moitié inquiet : «ben non, je n’ai pas froid », comme si il craignait que l’autorité maternelle ne l’oblige à retourner à la maison chercher de quoi se couvrir. La porte de la « Twingo » s’ouvre et l’enfant monte avec son cartable, et le pull.
Il part à l’école en pull… Non madame, bien sûr que non il n’a pas froid ! Même si il ressent un peu la fraîcheur que son audace doit lui fait assumer (il ne faisait vraiment pas chaud), votre petit garçon ne veut pas du manteau qui pourtant ne serait pas superflu. Il n’en veut pas, car il veut aller à l’école en pull, c’est tout. D’abord parce qu’on est mercredi et que le mercredi il n’y a qu’une demi journée, alors si il a froid vers midi ce n’est pas grave, il rentrera de toute façon à la maison se réchauffer devant les dessins animés de l’après midi, avec une bonne tartine de chocolat. Et puis surtout, le petit garçon part à l’école en pull-over parce que c’est pour lui le début d’une aventure ! Une liberté qui se conquiert peu à peu, comme si il enfreignait la loi maternelle et hivernale, le diktat de la météo qui nous fait enfiler ces grosses doudounes ou blousons en draps de laine, dans lesquels, c’est bien connu, on est boudinés et mal à l’aise. Le petit garçon part en pull car c’est un petit homme et il veut que ça se sache ! Il sait aussi que ses copains feront pareil, ils l’ont dit hier à cinq heures en quittant la cour : « eh ! machin ! demain, tu viens en pull, hein ?On vient tous en pull, il fait beau ! ». Lui était rentré un peu inquiet, il se demandait si il aurait l’autorisation de le faire, si ça mère n’allait pas lui dire : « ça ne va pas non ? Tu as vu la température ? Tu veux être malade avant les vacances ? ».
Arriver en pull à l’école au début du printemps, c’est l’assurance de commencer tout de suite une partie de foot ou de contrebandiers sans avoir à porter son manteau dans la classe, où il perdrait du temps et où, peut-être, l’instituteur lui demanderait : « tiens Clément bonjour, tu tombes bien, n’enlèves pas ton manteau, va plutôt me chercher des craies chez Mme Dufour pour la classe de tout à l’heure, car il n’y en a plus et j’ai oublié d’en prendre », ce qui le ferait passer pour un fayot aux yeux de ses copains et surtout il raterait la composition des équipes.
Arriver en pull à l’école au début du printemps, même si en effet le temps est frisquet, c’est l’assurance de faire « comme si j’habitais en ville », privilège de ceux qui n’ont que quelques centaines de mètres à faire pour retourner chez eux, si par hasard le temps venait à changer, le privilège honteux des externes qui rentrent manger chez maman et ajustent en toutes circonstances leur tenue aux caprices de la météo : il pleut le matin, manteau ; il fait beau l’après midi, je viens en pull… Le demi pensionnaire doit quant à lui assumer les choix fait depuis la veille en regardant la météo après le journal télévisé et ce jusqu’au lendemain soir, avec le risque d’avoir trop chaud, ou trop froid. Rendez-vous compte le temps que cela représente pour l’enfant de neuf ans : prévoir à 24 heures… ! Un monde.
Aller à l’école en pull au début du printemps même si il fait encore frisquet, c’est surtout l’occasion pour le petit garçon de passer pour un héros : « ça assure », le coup du type qui n’a pas peur d’avoir froid ou de se mouiller, ça épate les copains (ceux qui n’ont pas osé) et surtout les filles, encore emmitouflées dans des duffle-coat Cyrillus, Tex ou Soft Grey, avec un chèche multicolore trop grand enroulé trois ou quatre fois autour de leur cou fragile. Pfff… les poules mouillées.
Quand on est un petit garçon de neuf ans dans la cour de l’école, en pull-over au début d’un beau printemps mais frisquet, on préfère cacher sa chair de poule en tirant maladroitement sur ses manches plutôt que de montrer qu’on est pas une graine de héros. « Tu ne mets pas de manteau ? Il fait frais pourtant, chéri », disait la maman de ce petit garçon en montant dans la voiture. Non, madame, il ne le met pas car votre fils a changé : en manteau c’est votre petit garçon. En pull-over c’est un homme.
Et en cravates, c'est pas mal non plus... Ces héros-là viennent de Bangalore (Inde), de l'orphelinat Don Bosco. Les demoiselles n'ont qu'à bien se tenir !
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