le bruit et l'odeur
27 Février 2007 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #l'évènement
jouir des mots
Une fois n’est pas coutume, et après le texte de Jeanne Chérhal il y a quelques mois, voici, exhumé d’une petite caisse en bois qui me sert de bibliothèque, un morceau choisi de Gérard Farasse, dans Belles de Cadix, et d’ailleurs ; aux éditions « Le Temps qu’il fait » (sise à Cognac).
« La belle ténébreuse qui demande du feu au passant enveloppe sa main, d’un geste impérieux et tendre, pour rapprocher le briquet de la cigarette. Le reflet de la flamme rend ses yeux plus clairs qu’il n’est naturel ; puis la dame à la cigarette se dissipe en fumée odorante. Cette troublante apparition n’est pourtant pas un fantôme : le passant éprouve encore sur sa peau la pression chaude et autoritaire de sa main. Son émotion - elle lui a fait sauter le cœur – continue à couver comme une braise tandis qu’il cherche des yeux un point rouge qui s’éloigne ».
(photo David Lerouge)
« La fermière au visage rose se penche, souriante, pour plonger sa pinte dans le lait chaud et crémeux, révélant un gorge gonflée, opulente. L’enfant détourne les yeux vers la fenêtre bleue que voilent quelques nuages. Le lait tombe en cascade avec un bruit qui résonne dans le bidon de fer blanc. Une odeur nauséeuse emplit la pièce. Pour éviter tout contact avec la peau laiteuse de la fermière, l’enfant dépose sa monnaie sur la table et s’enfuit. Il aspire l’air du dehors à pleins poumons. « Alors, tu ne bois pas ton lait ? » lui dit sa mère. Elle ne comprends pas sa répugnance ».
« Au retour de l’école, l’enfant marche dans les monceaux de feuilles mortes pour le plaisir de les entendre craquer et de respirer l’odeur puissante de pourriture végétale, sans savoir que tous ses automnes à venir en seront à jamais imprégnés. Passé maître dans l’art de traîner les pieds, il dirige des concerts de fracas qui ont le pouvoir de faire disparaître le terrible maître à soutane et à férule, le cœur ânonnant des écoliers, les lettres de l’abécédaire mystérieux. Un sous-bois doré de conte s’ouvre en pleine ville. Et, tout au fond de la perspective de l’avenue crépusculaire, une lueur rose en forme de goutte d’eau s’allume ».
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