Seize + Vingt-Trois = Trente neuf (chronique non papabile)
17 Septembre 2008 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #édito
Benoît Seize est donc venu, et il est reparti. Entre temps, trois jours aussi denses que différents par leurs discours, les discours sur les discours, les pour, les contre, les positives attitudes laïques, les négatives ; puisqu’il y a du ‘plus’ quelque part, c’est qu’il doit y avoir du ‘moins’ aussi. Des messes en veux-tu en voilà, des évêques aux anges, des pèlerins aussi, un déluge de flotte à Lourdes – c’est une ville d’eau, rappelez-vous – du soleil sur les petits parisiens bc-bg samedi matin aux Invalides (ils habitent « à deux pas » comme on dit dans l’Ouest parisien). Un couvent des Bernardins transformé en étuve pour 650 – ou 700 c’est selon les sources – « intellectuels et personnalités du monde de la culture », dont Anne Roumanov, Didier Barbelivien, Nicoletta (qui n’a pas sorti de nouvel album, ouf !) ou encore Alain Chamfort. Au premier rang, Chirac et Giscard, l’histoire continue, une pile neuve dans le sonotone pour ne rien rater des racines de la culture européenne.
Que n’aura-t-on dit, ou pas dit, sur ce pape allemand, ancien préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi dont l’intitulé lui-même suffit à comprendre qu’il y a peu de chance de rire en lisant ses oeuvres. Un homme réservé, ne goûtant que parcimonieusement aux joies des foules en délire et encore galvanisées par son illustre prédécesseur, doux et humble de cœur, tradi dans ses liturgies, et même ailleurs mais ça on le savait déjà.
Il y a donc eu deux voyages dans la visite : Paris et Lourdes. Le même homme, mais pas les mêmes objectifs, ni les mêmes rencontres.
Une visite diplomatique à Paris, Sarko en enfant de chœur faisant tourner l’encensoir fumant des braises de la laïcité version « plus ». Carla B. en princesse qu’on ne sort plus, ignorée des médias et du pape par la même occasion : il doit y avoir un problème de divorce-remariage, au moins du côté de Nico. Le discours sur le travail des moines aux racines de la culture européenne : les acteurs de la culture contemporaine ont dû apprécier. Et puis les Invalides, splendeur virginale sous un soleil digne d’Austerlitz, à une portée de canons du musée de l’Armée, où se pressait donc une foule très catho bon teint : beaucoup de poussettes et de mères de familles (très) nombreuses, de pères idoines, de fils et filles en vareuses achetées à Quiberon l’été dernier. L’Eglise métissée, celle des nations, celle de St Paul quoi, n’y était que fort peu visible. La quête a dû en être meilleure.
Et puis Lourdes, surtout, et enfin dirai-je. Lex orandi, lex credendi. L’Eglise célèbre ce qu’elle croit. Là bas, hormis le discours aux évêques où Seize fut « fidèle à lui même » (sic l’un des leurs, académicien), le miracle opéra, une fois encore. Les laïcs qui se crèvent la peau pour palier l’hémorragie du clergé dans les ¾ du pays, c’est-à-dire ailleurs que dans les trois ou quatre grandes métropoles, ont dû cependant se demander si on l’avait prévenu qu’ils existaient. Yves-Marie Congar et ses Jalons pour une théologie du laïcat doit soupirer, là haut. Quant aux divorcés remariés, ils continueront de changer l’eau des fleurs au pied de l’autel, ou coller des affiches sur les panneaux au fond de l’église. C’est une façon d’être proche d’eux.
Mais Lourdes, surtout, ce sont les milliers de sans jambes, ni bras, ni yeux, ni oreilles, ni parole, parfois il manque aussi des choses à l’intérieur, peut-être même sans papiers qui sait ? Ces boiteux, handicapés, malades, pauvres, ignorant jusqu’à la théologie de Thomas d’Aquin ou Augustin ; ces milliers de personnes qui sont tout sauf dans le culte de la performance, du fric facile et de l’outrageuse culture du manager, ces milliers de personnes ont là bas, si loin, dans cette ville si ombrageuse, ténébreuse jusqu’en son ciel capricieux (il peut y neiger le 15 août et sécher par 35° en avril), trouvé comme à chaque fois un réconfort, une écoute, une empathie réelle, une aide physique autant que morale. A la suite de cette bergère qui ne le fut d’ailleurs pas – et tant pis si le culte marial qui s’ouvrit alors était une aubaine pour l’Eglise de la seconde moitié du XIXè siècle mise à mal par la sécularisation et l’anticléricalisme qui régnaient alors – des millions de pauvres et de laissés pour compte, parce que différents jusque dans leurs corps, et donc exclus du grand bal des puissants, trouvent près de cette grotte sombre et humide une existence, une validité, une compréhension, une compassion, en un mot : une dignité. Bernadette, Marie, le Christ : le chemin est tracé.
A Lourdes, B. Seize a réellement rencontré cette Eglise bigarrée, métissée, faite de riches et de pauvres, de malades et de bien portants. Nous n’oserons écrire : « d’en bas », car, comme la laïcité positive (mot malheureux, car elle est par essence positive puisque émancipation), elle pourrait alimenter la thèse d’une Eglise « d’en haut ». Alors que le « Très Haut » n’est visible que dans le « Très Bas », selon le très bel ouvrage de Christian Bobin, qui cite ses sources.
A Lourdes, pour reprendre une expression pour le moins managériale, l’homme est réellement au centre de l’entreprise.
Puissions-nous, quelques heures au moins, nous en rappeler, positivement. En République, tant qu’à faire.
pendant ce temps-là, il neigeait à quasi 2000m d'altitude en Béarn, et l'Ossau en blanchit de joie, revêtant ses habits sacerdotaux pour l'automne précoce. Faut quand même reconnaître qu'il y avait moins de monde qu'aux Invalides et à Lourdes...
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