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Le jour. D'après fred sabourin

retrouvailles

25 Août 2008 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #voyage - voyage...

Phare des Poulains. Belle-Ile en mer.

C’est un peu comme retrouver un visage aperçu trop brièvement au cours d’une vie. On se souvenait de la voix, mais les détails s’étaient effacés, seuls demeuraient les mots essentiels. Mieux : l’idée. « C’était dans un autre livre, il y avait des photos, je ne sais plus… Ca parlait de Doisneau et Cendrars, une rencontre entre ces deux personnalités, il y avait de belles photos en noir et blanc et des extraits de l’écrivain… »
Rouge de confusion devant le libraire, la scène a été répétée puis finalement on s’est tu. Gardé pour soi la honte de ne pas avoir écrit sur le moment la citation perdue.
Presque oublié, le voilà qui surgit tel un rocher inattendu, une saillie littéraire revenue du diable vauvert. Page 105. Cette fois-ci c’est certain : même le numéro de la page restera dans le souvenir. Pourtant, il s’en est fallu de peu. Pas de rendez-vous fixé avec ce livre, juste la découverte d’une librairie – pardon : un « lieu littéraire »  - aux dires de la libraire elle-même, fière d’en rajouter devant ce qu’elle a sans doute pris pour un bo-bo. Erreur. Je tenais L’Homme foudroyé de Blaise Cendrars en édition poche daté 1965, pour une ridicule pincée d’euros. Les livres de poche des années soixante sentent bon le vieux livre, la tranche est rouge (souvent), et il n’y a pas de quatrième de couverture, stratégie commerciale pour faire acheter (ou rejeter) un livre. Le nom de l’auteur et le titre doit suffire.
Puis vint la lecture, avide. Une histoire de légionnaires d’abord, puis Marseille, les calanques, un lieu pour écrire. Cendrars n’en couchera que trois lignes, dit-il. Et voici pourquoi :

« Un écrivain ne doit jamais s’installer devant un panorama, aussi grandiose soit-il. J’avais oublié cette règle. Comme Saint Jérôme, un écrivain doit travailler dans sa cellule. Tourner le dos. On a une page blanche à noircir. Ecrire est une vue de l’esprit. C’est un travail ingrat qui mène à la solitude. On apprend cela à ses dépens et  aujourd’hui je le remarque. Aujourd’hui je n’ai que faire d’un paysage, j’en ai trop vu !  « Le monde est ma représentation ». L’humanité vit dans la fiction. C’est pourquoi un conquérant veut toujours transformer le monde à son image ».

Voici donc, comme le temps, l’extrait retrouvé. Il ne sera désormais plus perdu. Et il accompagnera, digne, les paysages auxquels il serait pourtant dommage de tourner le dos.
Avant d’écrire, cela s’entend.





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F
Trés jolie celle du phare perdu sur ce plateau. Bon week.
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A
D'accord avec Anne.Et ce billet est particulièrement bien foutu !! argh, trop fort, Fred. Belle-ïle te réussit...
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F
merci beaucoup pour ce touchant commentaire. Content d'être un passeur... juste pour m'aider (sans obligation bien sûr), l'initiale d'un nom de famille ?
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A
J'ai découvert ton blog il y a quelques mois déjà. Mais par prudence ou crainte (?), je n'ai pas encore osé ajouter un commentaire. C'est donc la première fois que j'inscris mes mots sur un blog.J'ai lu avec surprise et douceur et rires, aussi parfois, tous tes textes. J'ai regardé avec les mêmes émotions la beauté des photos. Mes yeux se sont habitués aux paysages de la Charente, de Rouen, de l'Ardèche, de la montagne et de la mer, souvent associés à tes phrases d'où émane une plus longue réflexion sur le travail de l'écriture. Voici sur ce thème une pensée de Paul Eluard : "[...] Il faut effacer le reflet de la personnalité pour que l'inspiration bondisse à tout jamais du miroir. Laissez les influences, inventer ce qui a déjà été inventé, ce qui est hors de doute, ce qui incroyable, donnez à la spontanéité sa valeur pure. Soyez celui à qui l'on parle et qui est entendu. Une seule vision, variée à l'infini.Un poète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré."Merci pour tes mots, les émotions et les images qu'ils tracent sur le coeur ou l'âme (?) de la lectrice que je suis et pour ta capacité à "inspirer" ma propre plume amatrice.Anne
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