à la gare Saint Lazare j'ai vu les fleurs du mal, au hasard
22 Mai 2008 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #voyage - voyage...
La salle des pas perdus de la gare Saint-Lazare est en travaux. Pas perdu pour tout le monde, en voyant les murs soudainement mis à nu, en attendant le rafraîchissement de rigueur, et une galerie commerciale avec des boutiques de fringues, dévédés et èmepé trois, produits de luxe et parfumeries, fleurs bon marché et bouffes en tous genres (y compris bio). C’est la mode, ces salles des pas perdues modernes, clinquantes, identiques dans toutes les gares, toutes les villes, standardisation visuelle, et mimétisme petit bourgeois fauché ou nouveau riche au luxe ostentatoire, qui doit dépenser son pouvoir d’achat, car tel est le bonheur de la vie.
En attendant, on a la possibilité, tel un archéologue, de voir « ce qu’il y avait avant » la précédente déco, standardisée elle aussi mais moins mercantile. Une gare ne servait, jusqu’ici, qu’à faire attendre des gens sur des quais, courir des retardataires dans des salles de pas perdus, démarrer des histoires d’amour, en terminer d’autres, acheter un sandouiche mou datant d’hier et un journal frais du jour. Aujourd’hui, dans une gare, tu peux acheter (liste non exhaustive) : une baguette de pain chez monsieur Paul à 1,20€, de l’eau à 5€ le litre, un petit « top » de chez Zara ou du parfum Chanel. Eventuellement un billet de train. Pratique, non ?
Mais voici une affiche, dont l’outrage des ans, et l’oubli surtout, vante les charmes de la Bretagne "pittoresque", Camaret exactement (le reste est illisible). Ca ne manque pas de charme en effet : la gare Saint-Lazare envoie vers la Normandie, la Haute et la Basse, point vers la Bretagne… Jadis, déjà, la concurrence faisait rage dans le monde moderne de l’époque – devenu par la force des choses post-moderne – et il fallait attirer le chaland jusque dans les gares voisines et néanmoins ennemies. Cette affiche – mais pour combien de temps encore ? – est un vestige du temps qui passe. Délicieusement désuète, elle signe la mort d’une gare, et la naissance d’une autre, sans grâce ni personnalité. Seule résistera, peut-être, sa physionomie extérieure, elle aussi en danger d’un promoteur et d’un architecte de cour aux yeux qui brillent et à l’argent frais.
Brel chantait, sur un air d’accordéon délirant : t’as voulu voir Paris et on a vu Paris (…) t’as voulu voir Hortense elle était dans l’Cantal ; Je voulais voir Byzance et on a vu Pigalle, à la gare Saint-Lazare j’ai vu les fleurs du mal, par hasard.
Je m’casse, mon train arrive : un vieux Corail poussif à l’ancienne est annoncé voie 27. Il ne va pas en Bretagne, mais en terres normandes. Pas mal non plus. Ni bouffe, ni dévédé, ni produits inutiles dans ma musette : juste un livre. Acheté d’occaze aux puces. Et toc !
La gare se meurt mais ne se rend pas.
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