Deux jours à tuer
9 Mai 2008 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #chronique cinéma
Il existe des principes et des postulats qui ne souffrent généralement d’aucune contestation. Loin de moi l’idée de faire à la Prévert un inventaire. Il en est un qui dépasse à priori beaucoup d’autres : les fils sont fait pour survivre à leurs pères. C’est du moins ce que la loi mathématique de la vie voudrait.
Antoine, jeune quadra comblé, publicitaire fortuné, belle voiture, jolie femme, deux beaux enfants, maison où rien ne manque dans les Yvelines, saborde un jour une réunion où il s’agit de vanter les vertus d’un yaourt pour un important client. Pour toute explication, il annonce qu’il va partir et revend ses parts. Rentré chez lui, une scène l’oppose à sa femme : une « bonne copine » l’a vu dans un bistrot main dans la main avec une autre femme. Tout s’enchaîne, Antoine saborde l’anniversaire préparé par ses enfants, puis celui préparé par sa femme (une surprise avec ses amis qui finit en pugila). Antoine saborde le navire, passe tout par dessus bord, prend sa bagnole, et embarque à Cherbourg pour l’Irlande… où il retrouve son père, reclus depuis trente ans avec la pêche à la mouche pour seule compagnie.
Antoine est malade. Antoine va mourir. Mais il n’avait pas le courage de l’annoncer à sa famille et à ses proches.
Porté par les seules épaules de Albert Dupontel, avec quelques apparitions lumineuses de Marie-Josée Croze, Deux jours à tuer peut agacer par ses allures très « petite bourgeoise française » : en démolissant le modèle en question avec les mêmes codes qui d’ordinaire le construisent, Becker scie la branche sur laquelle il est assis. D’autres auraient sans doute été plus piquants et incisifs, et on pense notamment à Chabrol pour ne citer que lui. Néanmoins, Jean Becker, qui nous avait gratifié ces dernières années de films nostalgiques d’un âge d’or disparu sans avoir vraiment existé, avec Les Enfants du marais et Dialogue avec mon jardinier, prouve là qu’il sait aussi faire du grave sans trop de pathos. Il faut voir – et entendre – Dupontel déclamer de la prose taillée pour lui, mais néanmoins véridique en cela qu’elle dénonce le manque d’écoute et de dialogue vrai entre les gens. La vraie écoute, celle qui découle ensuite sur une vraie compassion.
Le générique de fin vaut à lui seul qu’on mette une heure trente (à tuer ?) pour ce film. Une chanson de Jean-Lou Dabadi interprétée par Serge Reggiani à la toute fin de sa vie (en 2002 exactement), « le temps qui reste », illustre à merveille le propos, et, franchement, tire une émotion non feinte chez le spectateur, en tout cas chez celui qui écrit cette critique.
Deux jours à tuer, de Jean Becker. Normalement pour vivre en fils il faut tuer le père, mais si il vient à partir avant, alors…
« Je m'en fous mon amour...
Quand l'orchestre s'arrêtera, je danserai encore...
Quand les avions ne voleront plus, je volerai tout seul...
Quand le temps s'arrêtera..
Je t'aimerai encore
Je ne sais pas où, je ne sais pas comment...
Mais je t'aimerai encore...
D'accord ? »
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