le jour d'après...
10 Février 2006 , Rédigé par Fred Sabourin Publié dans #l'évènement
et mon œil alors … ?
Ca ressemble un peu à l’histoire de « l’arroseur arrosé ». Dans le cas présent, ça serait plutôt le « photographe photographié ». La scène se passe à Belèm, tout près de Lisbonne. Dans le monastère St Jérôme, un bijoux saisissant de pureté aux proportions architecturales parfaites, des touristes déambulent. Saisi par la beauté du lieu, à couper le souffle, assis sur un banc de pierre du cloître, j’observe, avec mes deux yeux, toutes prunelles dehors, le spectacle édifiant et ubuesque que la technologie ultra-moderne offre à ceux qui veulent bien regarder.
Neuf touristes sur dix possèdent un appareil photos numérique. Parfois, au sein d’un même couple, chacun a le sien en main. Lorsque le visiteur entre dans le cloître, il porte instinctivement l’objet aux 5 millions de pixel devant son visage, stagne quelques secondes, prend le « cliché »… et… s’en va ailleurs ! Incroyable : l’homme moderne est atteint d’une sorte de cécité technologique et numérique : il ne sait pas regarder, admirer avec ses propres yeux ! Il faut qu’il photographie tout ce qu’il découvre… ! Il faut qu’il regarde à travers l’écran numérique les merveilles du monde ! La scène se répète dans l’église abbatiale, où, pris par le jeu de l’observation de mes contemporains, je recommence l’analyse. Idem à la tour de Belèm, face au Tage, face à la mer. Idem dans les ruelles pavées du vieux Lisbonne… Idem partout, toujours : une cohorte de cyclopes numériques, qui n’auront vu la beauté de ces lieux qu’à travers l’écran de leur appareil photos numérique…
Je suis heureux de découvrir ces lieux, simplement armé de mon carnet et d’un stylo. J’ai la chance de ne pas avoir d’appareil photos numérique, ce qui ne manquera pas d’étonner ceux qui en ont, et qui, rendu chez eux devant l’écran de leur ordinateur, verront, avec leurs yeux, un homme en arrière plan des photos prises, qui ne possédait pas le si précieux et indispensable objet technoïde, accessoire indispensable de « l’homo-touristicus-moderne »… J’aimerai partager avec eux mes interrogations : combien de fois, réellement, seront visionnées ces centaines et centaines de photos numériques prises en ces lieux ? L’abondance d’images sera-t-elle source d’émerveillement retourné chez soi ? A quelle angoisse vient répondre se besoin impérieux de « ne rien rater et tout emporter » ?
Quelle est cette « tribu » d’hommes et de femmes si pressés de prendre des photos… sans regarder avant le lieu dans lequel ils se trouvent ? L’évangile disait déjà : ils ont des yeux et ils ne voient pas… Ca n’a sans doute jamais été aussi vrai !
Cette chronique achevée, je fermerai les yeux, à la recherche imaginaire et sensorielle du monastère « Dos Jeronimos » de Belèm… J’y retrouverai cette sensation superbe et magique, sensuelle et visuelle de ce cloître aux dimensions parfaites. J’entendrai la voix des moines me chanter : Ouvre mes yeux, Seigneur…
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