Été 85 : j'irai danser sur ta tombe...
28 Juillet 2020 , Rédigé par F.S Publié dans #chronique cinéma
Les histoires d’amour finissent mal, en générale… François Ozon adapte un roman de l’écrivain anglais Aidan Chambers, La Danse du coucou (Dance on my Grave), paru en France en 1983, qu’il vaut mieux traduire par « danse sur ma tombe ». Un roman qui, dit-il, l’avait fortement marqué.
C’est l’été, en 1985. Alors que Taxi Girl cherche le garçon depuis un an, Alex (Félix Lefebvre) se cherche lui-même sans se trouver vraiment. Sa rencontre fortuite avec David (Benjamin Voisin) à la suite du chavirage d’un petit dériveur où il a trouvé refuge sans se méfier de l’orage qui monte, au large du Tréport, va tout emporter. Après l’avoir remorqué, David emmène Alex prendre un bon bain chaud et des vêtements secs chez sa mère (Valéria Bruni Tedeschi). Instantanément, il chavire pour le jeune Alex. Durant 6 semaines, jusqu’à l’issue fatale dévoilée dès l’ouverture du film par Alex lui-même, menotté au poignet d’un gendarme dans le couloir d’un tribunal, les deux garçons sont vivre une forte attraction, une histoire passionnelle, jusqu’au désastre.
François Ozon caresse avec douceur dans une lumière de bord de mer où rien des symboles des années 80 ne manque – mention spéciale pour la bande-son qui ravira les quadras-quinquas - les corps et tempéraments de ces deux jeunes adultes à peine sorti de l’adolescence. L’effet est saisissant dès les premiers plans, grâce à une image traitée façon pellicule, donnant du grain (à moudre) au spectateur dont certains peuvent voir dans Été 85 un teen-movie dont il emprunterait, paraît-il, les codes. Rien n’est moins sûr.
Père récemment décédé et mère juive un poil envahissante pour l’un (David) ; père certes présent mais complètement à côté de la plaque et mère inquiète du devenir de son petit qu’elle ne voit pas grandir pour l’autre (Alex), le film emprunte aussi les chemins de traverse de la post-adolescence où la fureur de vivre prend sa source dans un passé familial sur lequel les deux jeunes semblent surfer, mais qui les rattrape au détour de quelques scènes finement pensées. De là surgira la promesse : si l’un de nous deux venait à mourir le premier, le survivant promet d’aller… danser sur sa tombe.
Si l’on songea, avant d’aller voir le film, aux ambiguïtés filmées par André Téchniné avec Quand on a 17 ans, (2016, avec Kacey Mottet Klein, Corentin Fila), ou aux Roseaux sauvages en 1994 (avec Gaël Morel, Stéphane Rideau, Élodie Bouchez), une fois au cœur d’Été 85 rien de semblable finalement. La première partie est véritablement lumineuse, joyeuse, « et en même temps » tragique puisque le drame nous était annoncé dès le début. Ozon a néanmoins le bon goût de ménager le suspense jusqu’au bout, à l’issue d’une seconde partie qui perd un peu en intensité après l’absence de David (Benjamin Voisin), qu’on espère revoir bien vite !
Demeure longtemps après le générique de fin l’intense questionnement de cette jeunesse folle d’elle-même, amoureuse de vivre à en mourir, prête à tout pour essayer, si possible, de prendre son envol en donnant tout, jusqu’à la vie. Sans penser que la pesanteur, elle aussi, peut rejoindre la grâce et clouer au sol ces albatros d’une insolente jeunesse…
Été 85, de François Ozon. 1h40. Avec : Félix Lefebvre, Benjamin Voisin, Philippine Velge, Valeria Bruni Tedeschi, Melvil Poupaud, Isabelle Nanty. Sortie le 14 juillet 2020.
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