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Le jour. D'après fred sabourin

François Mitterrand : "On lui aurait arraché les livres, il mourrait"

9 Octobre 2018 , Rédigé par F.S Publié dans #littérature, #l'évènement

François Mitterrand : "On lui aurait arraché les livres, il mourrait"

Extraits de l’interview d’Erik Orsenna dans Le Figaro du 9 octobre par Valérie Sasportas, au sujet de la vente aux enchères de la bibliothèque de François Mitterrand les 29 et 30 octobre prochains chez Piasa (Paris 8e).
 

« Notre bibliothèque est notre vraie maison et l’on peut toujours regretter la destruction de quelque chose qu’on aime. Et pour François Mitterrand, elle l’était plus que pour tout autre. Les livres étaient l’une de ses deux passions avec l’architecture. C’était pour lui son imaginaire, le squelette de sa pensée, son rythme, sa distance – son refuge et sa protection – face à l’actualité. L’emploi du temps d’un homme politique, et à fortiori d’un chef d’État, est haché sans arrêt. Les livres étaient pour Mitterrand son retrait. Je l’ai vu, lors de voyages, s’extraire ainsi du monde, des courtisans. Les livres étaient son recueillement au double sens de recueillir et de se protéger, le repli permettant de réfléchir et d’être soi. Comment peut-on se forger une opinion et organiser les changements dont la société a besoin, si on n’a pas ce repli ? La lecture est une co-création. Mitterrand se co-créait en lisant. En tant qu’écrivain lui-même, il était trop proche de ses livres pour s’en libérer complètement, avoir son style à lui. Mais on lui aurait arraché les livres, il mourrait ! ».
(…)
« Est-ce que dans les temps à venir, le pouvoir se dissociera du livre ? C’est un élément vertigineux pour nos démocraties. Le livre, c’est la réflexion, le temps et, encore une fois, la co-construction. Or, nos démocraties sont remise sen cause de tous ces points de vue : c’est de la consommation, de l’extrême rapidité et de la réaction. Et-ce qu’il peut y avoir une démocratie de l’immédiat ? La réponse est non. Par conséquent, la question posée par vos deux pages, en dehors de François Mitterrand, est absolument centrale : comment un dirigeant se forge-t-il une pensée et comment des citoyens se forgent-ils une opinion ? Voyez les derniers sondages des « vrais présidents ». Deux noms ressortent : De Gaulle et Mitterrand. Je suis frappé de voir que le temps de lecture diminue, qu’on le passe sur les écrans et que c’est du temps de moins avec soi-même. Est-ce une époque qui s’achève ? Remplacée par quoi ? Je suis alerté et passionné par la question de l’immédiateté. Et cette vente permet de se pencher dessus ».

François Mitterrand : "On lui aurait arraché les livres, il mourrait"
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