"Dans son vieux pardessus râpé, les jours de paye quand il rentrait, on l'entendait gueuler un peu, Mon vieux. Nous, on connaissait la chanson, tout y passait, bourgeois, patrons, la gauche, la droite, même le bon Dieu, avec mon vieux".
T'avais plutôt un loden bleu marine, un peu trop large pour moi quand je l'ai porté, il y a 17 ans déjà, l'hiver qui suivit cette funeste Toussaint 2000, un vrai temps de chrysanthèmes. En revanche, tu gueulais ça oui ! Contre à peu près tout, y compris moi. Avec le temps ça me fait même sourire un peu, mon vieux... Comment oublier cette partie de pêche d'août 85, où tu sortis une carpe de 6 ou 8 kg d'un étang près de Jarnac, avec ton moulinet qui s'est barré en quenouille au moment de la ferrer ? 45 mn de sueur et de bonheur, la gauloise au bec, inoubliable. Je mordais mes joues de rire et d'angoisse mêlés, les deux mains agrippées à l'épuisette, imaginant ta furie si tu m'avais vu me marrer, et encore plus rater la prise ! J'aurais fini à la baille. Le pire, c'est qu'elle était tellement vaseuse qu'elle fut immangeable. Qu'à cela ne tienne : "dix pêcheurs plus dix chasseurs font vingt menteurs" dit le dicton. Ce jour-là il n'y en avait plus que dix huit, car tout fut historiquement authentique. Comme ton départ brutal, ignoble et calculé, quinze ans plus tard, me laissant muet comme une carpe.
Le temps, comme un vieux pardessus râpé, fait son boulot, mon vieux...