L’automne : la saison des peaux mortes
3 Novembre 2017 , Rédigé par F.S Publié dans #montagne
Celles qu’on laisse derrière soi comme on vide un vieux cendrier, comme on jette un vêtement trop longtemps porté et dont on s’était mille fois promis de s’en débarrasser. Beaucoup disent que l’automne est leur saison préférée, alors qu’ils ne supportent pas, en temps normal, la mélancolie. Elle est inhérente à la l’automne, comme une sœur jumelle. La lumière rasante, les feuilles mortes que l’on piétine alors qu’elles ont passé l’été à nous faire de l’ombre en nous rafraîchissant, les brumes électriques matinales et la chute parfois brutale des températures : tout cela ne signe-t-il pas « le petit bonheur d’être triste » selon la définition d’Hugo ?
Ici, l’herbe jaunit comme d’anciennes photos trop longtemps exposées. La montagne se vide et même les vautours semblent préparer leurs valises. L’Homme s’y fait plus rare, bien que les plus âgés viennent, une dernière fois avant l’hiver, réchauffer leur arthrose sans savoir s’ils reverront le printemps. Pour meubler le silence sépulcral des roches sans vent – qui leur fait peut-être penser à celui des cimetières où ils reposeront bientôt – ils parlent, parlent, parlent à en déchirer l’azur, et nos oreilles.
Le pic dressé en face nous regarde, et son doigt montre le ciel ; mieux : il le touche. En bas le lac où nous nous baignâmes quelques semaines auparavant, par une belle soirée d’été. À perte de vue les Pyrénées s’étendent, lascives, belles endormies d’une sensualité rêveuse à réveiller les morts. D’Aspe en Bigorre en passant par l’Ossau, son corps étendu à demi nu reflète le désir de se laisser admirer avant que d’être recouvert de neige, comme un linceul de soie et l’on se dit qu’on est bien mieux ici que n’importe où ailleurs. C’est une habitude que certains prennent encore – depuis le temps ! – pour une lubie. Une lubie de 25 ans est une maladie chronique.
« Montagne : redressement productif de la plaine », écrit Tesson (Sylvain, encore lui !) dans un aphorisme dont il a le secret (« Aphorisme : faire pardonner par la brièveté de sa formulation l’inconsistance d’un propos »). En plein dans le mille.
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