La dent
29 Avril 2016 , Rédigé par F.S Publié dans #Lettres à ...
Pain beurre confiture (de framboises). Tout se déroulait normalement, la radio égrenait sa matinale, j’écoutais d’une oreille distraite Olivier Besancenot sortir sa soupe habituelle, connue par cœur, une soupe servie mille fois. Je voyais bien que tu avais l’air de mâcher des guêpes. Ça ne pouvait pas venir du pain, ni du beurre, ni de la confiture : tu les adores. Alors quoi ? Tu m’as regardé et posé ton index à l’entrée de ta bouche, en disant : « papa, j’ai une dent qui bouge… »
J’ai voulu vérifier, et ça n’est pas si facile de le faire quand ça n’est pas une dent à soi. On a l’impression que c’est le bout de son propre doigt qui bouge, en réalité on ne s’en rend pas très bien compte. J’ai examiné attentivement la dent en question. En effet, elle bouge. Pas beaucoup, mais un peu quand même. Cette oscillation ne peut aller que crescendo…
S’en est suivi une discussion sur « la petite souris ». Tu as dit : « on met la dent sous l’oreiller quand elle est tombée et pendant qu’on s’habille ou qu’on prend le petit déjeuner la petite souris apporte un cadeau ». J’ai tout de suite apporté les précisions nécessaires au bon déroulé de l’opération : « oui, enfin… si tu es sage ». Evidemment. Les petites souris, ça n’aime pas le désordre, malgré leurs capacités évidentes à s’en accommoder.
Après le petit déjeuner, tu as regardé l’intérieur de la machine à laver, comme si la « petite souris » s’y planquait déjà, guettant la chute dentaire. Je t’ai dit que non, elle ne pouvait pas arriver par ici, mais toi tu as remarqué un interstice au niveau de la fermeture et tu as dit que « peut-être elle passerait par là ». J’ai souri – c’est le cas de dire – en imaginant le tableau. C’était l’heure de partir à l’école, alors on est parti.
En revenant de t’y conduire, dans le petit matin frisquet d’une fin de mois d’avril, j’ai repensé à tout cela. Tu vas perdre une dent – un non évènement peut-être mais pour toi un grand – signe qu’irrémédiablement, le temps file, file, file, que tu grandis et avance dans la vie. Je suis le témoin privilégié de cette avancée, de cette marche en avant qui me réjouis en même temps qu’elle m’effraie. Il faut profiter de chaque seconde de cette vie-là, avant qu’elle ne disparaisse dans l’abîme du temps passé, du temps perdu, du temps qui ne se rattrape plus.
Au bord du fleuve je regarde le ciel sans nuage et le soleil me frappe la face à plein rayons. Je respire en grand pour faire entrer l’espoir du jour neuf dans mes poumons. Et je prie le ciel de me laisser longtemps de la mémoire pour me souvenir de matins comme celui-ci.
F.S
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